dimanche 5 août 2012

Contents d'être à bord

Toulon – Ajaccio … sur la Datcha-Casabianca
Le 30 novembre 1942, le sous-marin Casabianca arrive à Alger, ayant fui Toulon quelques jours plus tôt, Toulon que les troupes allemandes envahissaient et où la flotte française, désemparée, déboussolée, se donnait la mort. L’oncle Jean l’Herminier, commandant du Casabianca, et son équipage, ont refusé ce geste désespéré. A Alger, un amiral monte à bord et félicite le premier matelot qu’il croise :

« Mes compliments mon petit. Alors, tu es content d’être ici ?

Le matelot est intimidé, hésite et répond :

-          Dame, amiral, je suis content d’être à bord !

Cette réponse ravit le commandant l’Herminier : « Il est content d’être à bord ! C’est le mot digne d’un marin ».

Le 27 juillet 2012, à minuit, nous embarquons sur la Datcha, amarrée pratiquement au même endroit que jadis le Casabianca, et mettons cap au sud, pratiquement vers Alger, mais via Ajaccio. Car les Jean-Loup (Cumet) ont pris place, parfaitement conscients de leur indignité, sur la Datcha, magnifique croiseur à voile de près de quarante pieds de longueur. Avant nous, une famille d’aventuriers dont on parle aux veillées à bord, ont sillonné pendant un an le berceau de notre civilisation, touchant terre pratiquement dans tous les pays qui bordent la Méditerranée. De prendre aussitôt leur succession à bord, nous nous sentons paradoxalement à la fois humbles et fiers.

Départ de Toulon aux lumières mystérieuses, rouges et vertes, première nuit en mer pour un équipage novice. Bertrand, commandant du bâtiment, solidement épaulé par Hubert, skipper aussi, forment sur le tas et dans l’urgence, dans l’obscurité et la houle clémente, les huit hommes et femmes d’équipage. Les premiers malades ne tardent pas à se faire connaître. Ils sont le centre des soins inefficaces du reste de l’équipage, qui ne peut que faire circuler promptement boîtes, mouchoirs en papier et bouteilles d’eau.

Une journée de pleine mer, avec pour la première fois ce sentiment étrange, unique, d’être isolés « comme un naufragé au milieu de l’océan, à mille milles de toute terre habitée ». Quelques dauphins et souffleurs nous rappellent que nous sommes en effet loin des côtes trop fréquentées par les promène-couillons. Une autre nuit de pleine mer puis le réveil de l’officier de quart, qui nous offre de découvrir les lumières d’Ajaccio, au loin encore, la terre promise de ces vacances familiales d’exception.

Découverte en famille de l’accostage au port, des connexions indispensables pour refaire les pleins d’eau et d’énergie du bord. Puis la messe dominicale, du côté des iles Sanguinaires, une autre connexion désirée, un autre plein nécessaire. Anatole, prisonnier des musulmans depuis juillet 2009, est au centre de nos prières durant ce périple. Notre Dame de la Merci, délivrez les captifs !

Navigation cap au sud, chacun s’amarine, se découvre des capacités, se forge des compétences. Mer calme, vent trop clément, temps magnifique. Côtes sauvages, inchangées depuis le temps où les tours génoises se donnaient l’alerte de colline en colline, faisant de leurs feux allumés en une demi-heure le tour complet de la Corse pour avertir du danger mauresque.

Le vocabulaire commence à rentrer doucement, avec les réflexes nécessaires à la bonne marche du bateau et à la sérénité de nos deux capitaines. Mouillage dans une crique sortie tout droit de l’île mystérieuse, tour génoise, nage en eau parfaitement limpide, dîner de figatelli et de tomates sans poisons, rosé de Provence sorti du fond de la mer où il prenait le frais depuis que l’ancre a été jetée.

Et puis un jour, oh pas longtemps après, Bonifacio. Passer d’abord le rocher dit « le Prêtre », sur bâbord, éviter les Moines (sur tribord une poignée de cailloux immobiles mais apparemment menaçants), puis cap sur des falaises hostiles percées de grottes inhospitalières, avant d’engager la Datcha, enfin, dans « la bouche ». Et là, au fond de cette calanque-bouche aux faux airs de canal de Suez, voici devant nous, de l’aveu même des marins indigènes, « le port le plus bordélique de Corse ». Un village fortifié, la ville haute, dominant un port bien modeste, envahi de yachts de luxe. Bonifacio l’été. Fascinant contraste. Un simple village de pêcheurs perverti à l’extrême, offert aux fortunes les plus considérables et les plus exhibitionnistes. Spectacle frappant entre les murailles et masures de maçonnerie rudimentaire et le luxe scandaleux des palaces privatisés qui y trouvent aujourd’hui refuge et que nous ne pouvons nous empêcher d’admirer.

Navigation encore, le lendemain, jusqu’aux iles Lavezzi dont les capitaines nous vantent la beauté sauvage. Un monument en effet. 300 marins et 400 soldats, surpris par la tempête du 25 février 1855, à bord de la Sémillante partie de Toulon la veille et qui s’écrase dans ce fracas épouvantable que décrit Alphonse Daudet. Pas un rescapé. Deux petits cimetières sur un archipel de misère, d’une beauté étonnante. Dieu a donné, Dieu a repris, Dieu soit béni. Respect au noir mystère.

Bonifacio encore une soirée, avarice et feu d’artifice. Puis cabotage encore, cap au nord, de crique en baie, de tour en tour. Dieu nous a donné tout cela, Dieu soit béni qui ne nous l’a pas repris. Pourvu que les hommes le protègent.

Soirées lampe-tempête et guitare, bains sublunaires dans l’eau tiède et noire, appareillages au double lever de soleil. L’ancre est hors de l’eau, le café dans le quart. Dieu soit béni.

Amiral, je suis content d’être à bord !

mardi 31 juillet 2012

Le plancher des vaches...


Chère famille, chers amis,

Etranges sensations en quittant Datcha définitivement (a priori) vendredi dernier... l'impression d'être partis de Pornic la veille... et en même temps d'avoir vécu 10 années en une seule ! Nous sommes tous contents de rentrer "chez nous", de retrouver nos proches et nos repères... mais aussi nous regrettons  déjà la liberté fantastique connue cette année... Nous sommes également un peu sur un nuage de gratitude et d'émerveillement en repensant à la façon dont tout s'est bien passé au cours du voyage... Deo gratias !

Mais retour sur la dernière semaine à bord (pas tout à fait d'ailleurs...), riche en retrouvailles et belles découvertes. Les derniers escales en Corse ont été en effet "de toute beauté", mais nous avons trouvé que naviguer en Corse n'était pas forcément de tout repos, avec relativement peu d'abri, des mouillages pas toujours bien protégés, souvent houleux, et une mer vite formée dès qu'il y a des coups de vent (spécialement fréquents paraît-il cette année...). La Méditerranée a en tout cas été fidèle à sa réputation jusqu'au bout : soit calme plat, soit trop de vent !
                                                           Datcha aux Sanguinaires

                                                          au loin la baie d'Ajaccio

Chose promise, chose due ! Nous retrouvons nos amis Cyrille et Pascaline et leurs enfants pour passer plusieurs jours très sympas avec eux.

                                                               Sans commentaire...

Chouette ! Violette a des amis pour fêter son anniversaire de 10 ans !

Pascaline aussi peut ratrapper son bronzage...

Merci encore aux parents de Pascaline d'ouvrir ainsi leur maison si bien située !

                                                Balade en Balagne.

                                                          L'intérieur du pays est sublime.

                                                      Qui n'a pas son couvre-chef ?

                                          Le bonheur de la fraîcheur du torrent de Tartagine.

                                                               Violette en lévitation

depuis l'Ile rousse, Datcha au mouillage au loin

 
                                                              spectacle des enfants

                                                                   chorale familiale

Certains reconnaîtront Bertrand, venu nous rejoindre en Corse pour faire la traversée Ile-Rousse-Toulon avec nous.
                     Eh oui, c'est l'heure de se quitter... Claire va perdre ses baby-sitters....

Pour cette dernière traversée nous embarquons également Aude, officier de marine. Les filles se délectent de ses récits à propos du Charles-De-Gaulle, et autres navires.

ça y est, nos affaires tiennent après beaucoup d'efforts dans une remorque et un coffre de toit (c'est fou ce qu'un bateau peut contenir). Datcha est tout beau, tout propre. Nous lui faisons nos adieux, reconnaissants qu'il nous ait mené à bon port...

Ce n'est pas tout à fait la fin de ce blog, puisque Datcha est déjà reparti en Corse et naviguera une bonne partie du mois d'août. On espère bien avoir des nouvelles !

Dans la joie de vous retrouver sur la terre ferme, nous vous disons à très bientôt !

Rose, Louise, Violette, Marguerite, Astrid, Henry

vendredi 13 juillet 2012

Retour au pays

                                                       on approche de la Corse !

Ca y est, ça sent vraiment la fin, après 366 jours de voyage nous avons touché le sol français cette après-midi, si tant est que la Corse soit en France... Nous avons fêté ça avec un verre de rouge, un bon camembert (émotion !) et une baguette digne de ce nom ! La France a du bon !

Pour ces dernières journées, nous avons eu la chance d'être accompagnés par une délégation de Destremau qui se sont succédé et/ou croisé à bord de Datcha, histoire d'être sûrs que nous arrivions à bon port, qu'Henry n'avait pas des envies de rebrousser chemin, et aussi pour assurer l'ambiance à bord...

      leçon de matelotage (la fameuse pomme de touline !) avec Grégoire, le frère d'Henry


       echauffement du matin en musique avec la grande cousine Aimée : allez les filles, head, shoulders, knees and toes!


                          en approchant de Tharros, côte ouest de la Sardaigne


                                                           la madone à l'enfant


                                          Blandine, une soeur d'Henry devant le Capo Caccia



        photo de famille dans le cloître S.Francesco à Alghero


                    Ces derniers jours nous avons encore apprécié la dolce vita à la sauce sarde


                                                les trois cousines, Camille vient d'arriver


un peu d'adrénaline lors du passage de "la pelosa", au nord de la Sardaigne, au sud de l'ile d'Asinara


Camille a eu un peu de mal lors de la traversée Sardaigne-Corse (8 h de nav) mais ne t'inquiète pas Grég, on s'en occupe bien !


C'est fini les gelati, les glaces françaises seront-elles à la hauteur ??
 Nous comptons sur les filles pour tester rapidement... 
A bientôt pour un prochain épisode : "Datcha chez les Corses" ! 
                          

mardi 10 juillet 2012

45° à l'ombre

                                                      à Douz, aux portes du Sahara

On le savait, on nous l'avait suffisamment dit (n'est-ce pas Marie-Astrid ?), nous avons eu très, très chaud en Tunisie la semaine dernière... Nous avons cependant bien apprecié cette (re-)découverte de la Tunisie, mais comme par cette chaleur (qui continue pour nous en Sardaigne) tout se liquéfie, même nos cerveaux, pas de message détaillé sur le blog pour l'instant...
Le compte à rebours a commencé, Datcha a déjà maintenant bien entamé sa remontée vers les côtes françaises.  Nous longeons ces jours-ci la côte occidentale sarde, avant d'atteindre la Corse la semaine prochaine.
La fin du voyage sera pour nous à Toulon, vers le 25 juillet.
D'ici là, nous souhaitons de très bonne vacances à tous ceux qui en ont !



vendredi 29 juin 2012

Si la Sicile m'était contée...

... ce serait un livre avec beaucoup d'images toutes plus lumineuses et colorées les unes que les autres !
Cette semaine nous avons ouvert un 3ème tome sur la Sicile, après le premier en septembre dernier (côte nord) et le deuxième au début du mois de juin (côte est).

Cette région au coeur de la Méditerranée nous plait décidément énormément, c'est un enchantement (presque) permanent.





Mais tout d’abord, plantons le décor. Nous sommes le long de la côte sud du triangle que forme la Sicile. Les chapitres pourraient correspondre aux différents ports que nous avons égréné jour après jour, avec chacun un style différent. Cela va de la Marina de Ragusa (assez luxueuse mais impersonnelle), à la Marina de Port Empedocle (superbe projet non achevé) en passant par les ports de pêche relativement importants, abritant quelques pontons pour les voiliers et où l’on est très bien accueillis (Licata, Sciacca et Mazaro del Vallo ). Devinez à qui va notre préférence ?
Sciacca





Pour compléter le décor, nous sommes au pays de la céramique. Il y en a partout ! Au sol, sur les escaliers, les maisons, les coupoles d’église… la palme de la décoration revenant à Mazara del Vallo où on se promène dans la vieille ville (la Casbah) en découvrant à chaque instant des carreaux.






Maintenant les personnages. L’équipage de Datcha, vous commencez à le connaître, mais il faut y ajouter deux nouveaux qui nous ont rejoint pour quelques jours : Caroline et son mari Emmanuel, le frère d’Astrid. Cela nous a fait très plaisir de passer ainsi du temps avec eux, merci encore d’avoir bravé les bus siciliens incertains pour nous retrouver !

le contraste de couleurs est assez impressionnant...

Caroline compense avec les couleurs complémentaires de ses vêtements !
spécialement pour Joseph et Antoine, que les filles ont bien regretté

les mariés de Sciacca, deux personnages secondaires

                                  concours de Ray-Ban


A propos des personnages, saviez-vous qu’ils ont tous au moins un défaut qu’il est très difficile de réprimer en Sicile : ce sont d’ENORMES GOURMANDS ! Tout comme les Siciliens d’ailleurs, la preuve en images :
A toute heure de la journée, les Italiens petits et grands s'offrent des régals de gelati.
mmmmh ! le granita de café à la "panna"
un péché sicilien : la brioche avec une boule de glace au citron dedans

une gelato dans une main, un café à la crème dans l'autre...


les fruits en massepain, peut-être encore plus beaux que bons


Poursuivons en résumant l’action de ce nouvel épisode. Il s’agissait de longer la côte sud du triangle que forme la Sicile. Des étapes pas trop longues, qui, avec un départ matinal ont permis de se promener à terre l’après-midi. Et les conditions de navigation ? Elles n’ont pas toujours été très satisfaisantes. Soit nous avons eu le vent venant de face, nous contraignant à utiliser le moteur comme moyen de propulsion principal… ce qui désespère Henry, et avec de plus une mer parfois hachée et inconfortable (qu’Emmanuel et Caroline ont bravé vaillamment), soit le vent nous a aidé à avancer, mais en soufflant en rafales, et cette fois c’est Astrid qui est désespérée !


Terminons enfin par les flash-backs, incontournables en Sicile :

La Sicile grecque et romaine tout d'abord, avec Agrigente et surtout la sublime Sélinonte.

                                                Sélinonte


La Sicile baroque ensuite, avec toujours ces putti si craquants !






A Mazara del Vallo, notre dernière étape sicilienne, l'ambiance de la Casbah sent déjà l'Afrique du Nord.


La Tunisie est juste en face, allons y passer quelques jours !
A bientôt pour des nouvelles carthaginoises !